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Atahualpa Yupanqui et son influence

Atahualpa Yupanqui : la figure de référence latino-américaine

Parmi les figures de référence du Barrio latino parisien (Quartier latin) des années 50 et 60 émerge le nom du grand chanteur argentin Atahualpa Yupanqui. Son influence fut importante sur les chanteurs qui se sont succédés à l'Escale.

A côté de Georges Brassens, il a été le grand inspirateur de Paco Ibañez, avec qui il partage d'ailleurs des origines espagnoles (Atahualpa Yupanqui est né d'un père argentin et d'une mère basque).

Atahualpa Yupanqui
Pochette de l'album : Atahualpa Yupanki, 30 ans de chansons.

Son itinéraire de vie est un modèle de référence qui représente des similitudes étonnantes avec celui de Violeta Parra, la mère de la nouvelle chanson chilienne, qui va bientôt faire son apparition au Barrio latino parisien, à l'Escale et à la Candelaria à partir de 1954. Il aura ensuite une grande influence sur ses enfants, Angel et Isabel Parra, qui vont séjourner en France entre 1962 et 1965 où ils se produiront à l'Escale et à la Candelaria. Isabel Parra raconte que Atahualpa Yupanqui était leur voisin. Elle le voyait et l'écoutait chanter à la fenêtre d'en face :

En France j'ai connu Atahualpa Yupanqui… Imagine qu'il était mon voisin. Tu te rends comptes ? Parler avec lui, écouter "el payador perseguido" (le paysan persécuté), c'était des choses normales dans ma vie. Sa voix s'éteignait lentement et ses yeux se fixaient dans la fenêtre.(1)

Sa vie et son oeuvre

Extrait du texte de l'album : Atahualpa Yupanqui, 30 ans de chansons (2)

Atahualpa Yupanqui est né le 31 janvier 1908 à El Campo de la Cruz, village de la Pampa argentine, au nord dela province de Buenos-Aires. Sa mère est basque, son père "criollo", c'est-à-dire argentin de vieille souche. Son enfance se passe en milieu rural. Son père étant cheminot, la famille se déplace souvent.

A l'âge de 6 ans, il étudie le violon, puis la guitare. Lorsque son père meurt en 1921 il exerce différents métiers, tout en continuant l'étude de la guitare.

En 1928, il fait son premier voyage à Buenos-Aires. Il y est journaliste pendant quelque temps et, après avoir cherché en vain du travail à la radio, il décide de voyager. Commence alors une période durant laquelle il va parcourir son pays, le plus souvent à cheval. Il mène une vie de paysan, conduisant le bétail d'un endroit à un autre.

C'est à cette époque qu'il écrit ses premières compositions Camino del Indio et Nostalgia Tucumana, aussitôt suivies de poèmes qu'il dira ou chantera sur des rythmes nés de la terre qu'il parcourt.

En 1943 il participe à des émissions à la radio, se produit en récital, en Argentine et dans les pays voisins.

En 1948, il quitte l'Argentine pour la France. Il joue et chante dans le spectacle d'Edith Piaf à l'Athénée. C'est un triomphe qui marquera le début d'une carrière internationale.

Après son succès à Paris, Athualpa Yupanqui va donner, en 1949, plus de 60 concerts en Europe.

On assiste en Argentine, à cette époque, à une véritable renaissance de la musique folklorique. Atahulpa Yupanqui participe à ce grand mouvement qui donnera naissance, en 1961, au Festival National de Folklores de Cosquin.

Mais sa renommée va au-delà de l'Amérique latine et de l'Europe ; il effectue, en 1964, son premier voyage au Japon où ses chansons étaient déjà très connues. Il y donne 45 récitals qui remportent un vif succès.

L'Espagne, le Maroc, la Suisse, la Belgique le sollicitent. Il fait des tournées en France, se produit dans des Festivals, des Maisons de la Culture. Paris lui réserve un accueil enthousiaste : il donne des récitals au Théâtre de la Renaissance et à la Mutualité (en 1968).

La musique : un univers infini

Pourquoi le public, qu'il soit japonais, français ou argentin vibre-t-il à la poésie et à la musique d'Atahualpa Yupanqui ? Cette question lui a été maintes fois posée. Il y répond :

"Chacun cherche des chemins, en emprunte certains, en abandonne d'autres. En musique, rien n'est inconnu. La musique est un langage infini. C'est le rythme qui donne le mystère, pas les mélodies. Les mélodies sont soeurs. Certaines "vidalas" ressemblent à des mélodies hongroises ou à des chants orientaux. Un chant sidéral parcours l'univers. L'important est de le saisir, de le sentir et de l'exprimer".

Les chants du folklore argentin

Atahualpa Yupanqui a magnifiquement chanté les genres musicaux du folklore argentin, parmis lesquels : la vidala, la milonga et la baguala. Il a également utilisé des formes musicales de danses comme la zamba et la chacarera.

La vidala est un chant intimiste, personnel, intérieur. Elle peut être un hommage à la mémoire d'un être disparu, ou naître d'une méditation d'ordre métaphysique. La vidala est vibration intérieure, émotion contenue, profonde, pudique. elle conduit l'esprit sur les chemins de la méditation, de l'élévation spirituelle.

La milonga est un chant de la pampa, de la vaste plaine. Son rythme est lent, grave, comme celui de la réflexion. Tout comme dans la Vidala, des thèmes universels entrent dans la milonga ; mais cette dernière admet des témoins, des auditeurs, alors que la vidala est un chant intérieur et personnel.

La baguala est un chant de la montagne. Chant libre, indompté, sauvage, qui n'admet aucune contrainte (l'adjectif "bagual" signifie : indompté ; un "bagual" est un cheval sauvage). Ce n'est plus le chant intérieur de la vidala, ce n'est plus la méditation grave de la milonga ; c'est un hurlement, une protestation. L'homme hurle sa solitude, ou proteste contre son destin, contre sa condition.

zamba La zamba, danse élégante, était à l'origine une contredanse espagnole. C'est une danse très populaire ; elle symbolise la conquête de la femme par l'homme : appel du regard, fuite de la femme, poursuite de l'homme... tout cela au rythme de la zamba. A la fin de la danse, elle baisse son mouchoir et il s'approche. Le mouchoir est parfois remplacé par un épi de maïs, plante qui fait partie du paysage.

chacarera
La chacarera est une danse paysanne. Son nom vient de chacra, mot quechua qui, à l'origine, désignait en Amérique Latine et principalement au Pérou, un champ. Son rythme est gai et vif. Le rythme et la danse prime sur le texte qui est simple et comporte souvent des mots de dialecte quechua.

malambo
Le malambo est dansé par les hommes seulement. C'est une évocation rythmique : l'homme imite le galop du cheval.

Paroles de chanson

Camino del indio Chemin de l'Indien

Petit chemin de l'indien,
sentier semé de pierres.
Petit chemin de l'indien,
qui unit la vallée aux étoiles.

Petit chemin depuis toujours
du sud au nord ma race t'a parcouru.
Avant que sur la montagne
la Pachanama ne se fut obscurcie.

En chantant sur le mont,
pleurant au bord de l'eau,
dans la nuit s'accroît
la peine de l'indien.

Le soleil et la lune
et ce chant qui est le mien,
ont caressé tes pierres,
chemin de l'indien !

Dans la nuit de la montagne
la quena exhale sa nostalgie,
Et le chemin sait bien
quelle est celle que l'indien appelle.

Sur la montagne s'élève
la voix désolée de la Baguena
Et le chemin regrette
d'être coupable de la distance.

Traduction : Françoise Marchetti.

Sources :

1. Entretien avec Isabel Para, par Sergio Benavides.
2. Livret de l'album Atahualpa Yupanki, 30 ans de chansons, par Françoise Thanas.

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