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Les chroniques d'Alejo Carpentier :

les années 30 et la musique cubaine à Paris

Alejo Carpentier Bien avant l'engouement actuel pour la salsa, les musiques cubaines ont connu une période de gloire à Paris dans les années 30. A cette époque, Alejo Carpentier, noveliste et musicologue cubain opposé à la dictature de Machado s'exile à Paris. Avec ses amis surréalistes il fait connaître la musique cubaine dans le milieu littéraire, moteur de la vie culturelle et musicale dans la petite "République" de Montparnasse.

Alejo Carpentier se posera en défenseur des valeurs nationales et humanistes véhiculées par la musique cubaine qui va petit à petit séduire le public parisien. Ses chroniques nous laissent une description vivante de cette époque.


Surréalisme et cubanisme : un poète dans une valise

En 1928, le célèbre poète surréaliste Robert Desnos publie un article dans Le Soir où il s'enthousiasme pour "l'admirable musique cubaine". laquelle est "digne, par ses extraordinaires qualités, de devenir célèbre dans le monde entier".(2) Robert Desnos venait de rentrer de Cuba suite à un voyage journalistique. C'était l'époque de la dictature de Machado, soutenue à Cuba par les Etats-Unis. Son ami, Alejo Carpentier, musicologue et écrivain franco-cubain, le reçoit et l'initie àla musique cubaine.

Alejo Carpentier venait de sortir d'un séjour de 7 mois en prison pour avoir simplement exprimé des opinions artistiques opposées à celles du régime de Machado. Passionné et solidaire, Desnos ramène son ami avec lui en France… en passager clandestin dans ses valises.(1)Installé en France, Alejo Carpentier va nous laisser des chroniques colorées du Montparnasse des artistes et de la fête et une description vivante de la période de cubanisme qui va suivre.

Les deux hommes se lancent dans une campagne de promotion : quelques mois plus tard ils organisent une audition de disques cubains au cours de la présentation d'un film d'avant garde au studio des Ursilines.(2) Desnos improvise des soirées dans son atelier, rue Blomet, où il fait découvrir cette musique à ses amis autour de quelques verres de punch.(1)


La petite république de Montparnasse, le Babel de l'art

Dans ses Chroniques, Alejo Carpentier décrit l'atmosphère hors du temps de la petite république de Montparnasse, Babel de l'art et centre d'une vie nocturne dont l'effervescence tient principalement à la présence des artistes et leurs mode de vie :

"Les artistes de Montparnasse dansent et lorsqu'ils ont venu un tableau, une partition ou le manuscrit d'un ouvrage ils jettent l'argent par la fenêtres en compagnie de leurs amis préférés. C'est pourquoi les dancings sont nombreux dans la petite république. Il y a celui de la Rotonde, où se dandine majestueusement la mulâtresse Aïcha, martiniquaise, dont cent peintres ont fait le portrait (3); il y a le minuscule Parmas Bar (…), il y a le Jockey, où se réunissent tous les Japonais qui ont envahi le quartier…"(2)
Alejo Carpentier cite également le Viking, un bon resto scandinave, la Cigogne marquée par la présence de Foujita, le peintre japonais.

Parmi tous les lieux, la Rotonde se distingue pour être le fief principal des artistes. Le patron de l'établissement avait une étrange faiblesse à leur égard et il a tout fait pour les attirer. Sur les murs de ce café luxueux étaient accrochés des quantités de tableaux ; au premier étage, il y avait un dancing avec jazz-band.


Années 30 : le son et la rumba envahissent Paris

Au tout début des années 30 l' "invasion" des musiques cubaines est générale :

"Devant la vogue soudaine de la musique cubaine à Paris, je me suis souvent posé la question. Maintenant l'invasion est générale. Le son s'est imposé définitivement au célèbre cabaret Palerme de la rue Fontaine. Le Bateau ivre, au Quartier latin, a pris pour fond sonore de publicité des morceaux de jazz cubain. Et j'ajouterai que, dans la dernière revue du Concert Mayol, la célèbre danseuse Rhana anime un tableau de franc créolisme sur l'air de mamá Inés, qui s'intitule : Sous le ciel de Cuba."

Ecrit par Nazem
2017 : Article en cours de réécriture.


Sources :

1. Yannis Ruel. Les soirées Salsa à Paris. Paris, L'Harmattan, 2000.
2. Alejo Carpentier. Chroniques. Paris, Gallimard, 1983.
3. Aïcha, le célèbre modèle métisse de Montparnasse a été la compagne de Samuel Granowski, peintre ukrainien qu'on a surnommé "le Cow-boy de Montparnasse" parce qu'il arborait les rues avec une chemise vive et un chapeau texan.

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